Sur le téléphone, le message n'a pas de sens. Je hausse les épaules. S. me demande combien de temps on va en bouffer de ses retours la bouche en cul de poule, je hausse les épaules, je n'en sais rien. Un meilleur ami avec qui on ne veut plus parler, lorsqu'on le recroise par hasard, c'est étrange. ON peut pas s'empêcher de discuter. Ca fait des cailloux dans les chaussures.
Les mots viennent en flot continu ces derniers jours. Je n'arrête plus d'écrire, le premier jet de mon deuxième roman est fini, je n'ose plus le relire, je crois qu'il faut qu'il repose pour lever. Maraqopa nous enflamme avec S. on reprend goût à la vie même si c'est dur, même si on bosse comme des chiens et que l'horizon pour moi semble voiler. J'ai quand même l'impression de faire enfin ce pourquoi je suis doué. Quand je me regarde dans la glace je me trouve plus vieux, je ne me reconnais pas tout à fait. Je ne pensais pas que je pouvais être cet homme-là. Je trouve ça doux, du baume sur un coeur fumant. Je ne sais pas ce qu'il va advenir de ce lieu. J'ai le sentiment qu'il m'est utile. Que la nostalgie est ^toujours très forte. Mais que reste-t-il à raconter que je n'ai pas encore dit ? Les mots, toujours les mots. En atendant je danse sur des chansons tristes qui pourtant me réjouissent. Des paradoxes.
 C'est comme avoir quelque chose de martial dans chaque parole, dans chaque pas, dans chaque foule que l'on arpente, à chaque sentiment que l'on comprime, à chaque frisson de nos peaux, à chaque caresse sur les joues. Rien d'autre à redire. Mais quelque chose de doux tout de même, de bien speed, pas trop chagrin, des larmes de coca et du whisky de l'abandon quand les jours sont passés, que les nuits sont blanches et nos coeurs héroïques -- tourne vire, écrire est satisfaisant.

Solstice. (enfance venteuse)

22 décembre 2014 // 17:31

 Avec le soleil si bas, on pourrait s'entêter loin. Les ombres très longues sur le grand boulevard Michelet, la chaleur du soleil, j'ai cette grosse écharpe autour du cou et pourtant mon blouson de cuir ouvert : je crois que j'ai plutôt du genre, un peu de style. Le soleil est très bas alors qu'il n'est que 15h38. On en attend le bus, en colère contre le temps qui passe. J'ai la tête lourde de toutes ces nuits qui se tendent qui n'offrent aucun repos malgré le sommeil profond. Combien de jour ça fait depuis que j'ai appris à nouveau ce que la mort voulait dire ? Un paquet de temps il me semble. Trois ans, combien de mots depuis. Combien de douleur et de rebond : égaré constamment dans une brume qui a finit par se dissiper, qu'il serait simple de regretter tant la tristesse colle si bien à la peau, donne tant de charisme. Il est dur de s'inventer et se définir joyeux lorsqu'on est solitaire, mélancolique sensible, attaché au monde et pourtant distant. J'ai écrit un roman pour me pardonner de vivre, d'avoir le coeur qui bat. J'en écris un deuxième pour reprendre le contrôle que je sais avoir près de mes mains. Il y a ces ombres et l'idée que tu ne me manques plus comme avant mémé et que c'est doux et dur en même temps. Je me souviens encore de ce jour terrible de ta mort comme si c'était hier, et je me souviens encore plus de ce moment surréel où allongée sur les carreaux e la salle de bain que l'on a refait depuis tu m'as dit que tu allais te reposer un moment. Ce jour-là j'ai appris que la maladie n'empêchait jamais la lucidité, malgré les creux très froid de la mémoire. Ce jour-là, je crois que j'ai appris à être adulte. C'était un jour d'automne ou d'hiver, c'était un jour de mistral et de rayons de lumière aveuglants dans le ciel bleu ; un jour comme aujourd'hui avec des ombres longues : une rage au coeur.
Il y a quelque chose de doux à essayer de marcher sur la pointe des pieds en virevoltant. Tester ses limites comme un gosse. J'ai arrêté de regarder la pluie tomber et pourtant le gris est bien présent sur les épaules. La nuit qui arrive trop tôt n'est pas rassurante, marque de l'hiver sur nous, marque ds blessures que nos corps endurent dans la résistance. Si je dois nous décrire je ne parlerai que de résistance, d'amour et de rires à gorges déployées. Peut-être que mes pitreries me mèneront au bout des cauchemars. Je l'espère à chaque fois que je me réveille en sursaut.
Je ne regarde plus la pluie tomber, je regarde Lana rire. Je regarde les gosses à qui je dis des bêtises le samedi matin. Je regarde les rayons éclatants de soleil qui percent le gris, alors qu'il ne pleut plus, que le sol est détrempé, que la mer au loin ne bouge pas. Quand le vent se lèvera je ralerai peut-être. Comme je râle sans doute du fait que tu partes tout une semaine ou presque accomplir ce pourquoi je t'aime. Dans la grandeur de nos mots, de nos physiques mais aussi de nos ombres je compte bien joliment marcher encore en nous, en notre histoire.

Sinon à la télé il ne passe que des jeux hystériques et sans grand intérêt. Je tape frénétiquement sur des claviers pour faire revivre l'été. Les pages s'accumulent, ton sur ton, dans des rires aigres et des coups de blues. Cette histoire est quelque chose de tendue, entre sublime et grinçant. Elle m'empêche de me regarder moi et sans le voir je vieillis un peu tout le temps. Je reste quelque part un enfant dans le vent tout de même.

 La tête dans des étoiles trop lointaines ; les pieds dans des dédales trop réels et perçants. Quand je vois les fumées danser sur nos angoisses je ferme les yeux en rêvant de berceuses. Les jours s'accumulent, plus court aujourd'hui qu'hier. Il paraît que les saisons dévastées sont celles dont on sait finalement tirer parti. Les dédales pourtant, toujours. Les énigmes. Les jeux de mots maniaques. C'est toujours, c'est encore. C'est ta tête contre mon torse. L'envie que tout recommence dans des mouvements baroques de main sur les fesses. T'es mon manège, auto-tamponné. Et je ne veux plus de ces creux dans le coeur à chaque fois que tu es triste, que les autres crient sur nous comme si on était fait pour ça. Je veux bien démissionner de ce monde pour nous. Pour danser en rond dans des ailleurs que l'on saurait construire de trois fois rien.

Je relis tout ce que j'ai écrit en deux ans, des pages et des pages, par centaines. C'est pourtant toujours la même histoire et ce n'est pas moi, pas encore, j'imagine. Chacun sa balade. Je sais qui je veux être maintenant, c'est plus comme avant. Les mots n'ont plus cette nécessité, ne recherchent plus un style qui maintenant s'établit tant bien que mal. Je réécoute cette musique que j'avais écouté pendant des heures quand ma grand-mère est morte. A l'instant même de sa mort c'était cette musique que j'avais écouté, pendant longtemps pour tarir les larmes. Maintenant ces accords de guitare sont juste une blessure encore présente quoique cicatrisée.

Souvent j'imagine la mer sans fin, et ça me rassure. Souvent j'imagine comme on pourrait jouer une vie entière avec les vagues plutôt que tout le reste. Et quand t'es contre moi, je voudrais te protéger encore, te dire que la vie...

///////////////////////////


 J'ai souvent ces scènes de films jamais tournés dans ma tête dans lesquelles ça roule en bagnole avec des sons trop kitsch dans le poste. La nuit me rappelle à moi-même comme les jours qui rétrécissent et le soleil qui brûle en différé quand la fin d'aout se fait sentir. Des cris, encore, en plein milieu de nos rêves, comme autant de verres brisés dans le regard. Des paysages mal embouchés, la route jusqu'à Aix qui est la même, le stress poignant, et les airs péteux des gens qui m'asphyxient. Retourner à l'origine pour nous sentir seulement épris de drames, dépasser l'origine parce que malgré toutes les larmes il y a le bonheur qui domine. Je bouge la tête lentement face aux regards vides des autres, j'ai envie de sourire en relisant ce brouillon bien plus énorme que n'importe quelles réfléxions formulées à propos de la poésie même si celui-ci risque de ne jamais être lu. La fiction pèse toujours plus lourd dans la balance.

<< Ici | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Ailleurs >>

Créer un podcast