Retour au réel.

22 juillet 2013 // 14:29

 "On devrait peut-être pas se quitter sur ça, non ?" // j'ai cette phrase en tête, l'envie de rien. Je fais le tour de la ville dans ma tête, prends le soleil, meurt de chaud un petit peu, souris tout de même sur les photos ; même si ça fait faux, je suis vraiment heureux. Qu'on participe tous, qu'on se sente dans le rythme que l'on se balance sur la piste de danse. Chercher à émouvoir et à contenter. Ce que j'ai écrit, doucement sur ce livre d'or : "ce dont je me souviendrai : vous tellement beaux, Mila qui saute de joie et Matéo sur les épaules de Sylvain dans les lumières vertes lors de l'ouverture du bal." Ouais, Marion me dit que j'ai de la chance, qu'elle aimerait faire un mariage, parce qu'elle trouve ça beau. J'avais envie de lui dire que j'aurais aimé qu'elle soit là, qu'elle m'accompagne sur la piste de danse enchaînant les verres de champagne et les clopes. Qu'elle me montre comment elle fait bien des huit avec ses hanches et que tout les gars de la soirée la regarde comme à chaque fois qu'elle fait ça, qu'elle a ce sourire de fille qui sait qu'elle plait, et qu'elle me dit "béh quoi, j'aime danser moi." Et même si je sais que tout ne redémarrera plus entre elle et moi, même si je n'en ai pas envie en fait, je ne peux pas m'empêcher de la trouver belle, du genre, vraiment belle. Une beauté qui se comprend pas, qui ne veut pas être comprise, une beauté que l'on redécouvre ; surtout à chaque fois qu'elle a ce regard étrange sur moi du style : tu sais là t'es drôle et t'es beau alors arrête de croire que t'es un gros nul. Tant pis, elle rit, on parle de nos potes, elle me dit que je suis le seul de tout ce groupe avec qui elle a vraiment envie de parler, de partager des trucs ; ça me touche. Je n'aurais pas été qu'une passade, je déteste n'être qu'éphémère. Mon frère s'est marié, il a pleuré, il a ri. Tout comme sa femme. Je me vois face à eux, à leur débiter mon texte préparé de longue haleine pour qu'ils sourient mais qu'ils comprennent qu'ils ont leur vie à faire et que personne pourra leur empêcher ça. Parce que même si je suis plus jeune qu'eux, je crois que ça, je l'ai compris mieux qu'eux, que ce qu'ils avaient, personne ne doit leur enlever, qu'ils emmerdent le monde quand ils sont rien qu'à deux, et que c'est le plus important. C'était solaire quelque part, moi j'ai trouvé ça solaire. Pour le reste je m'en remets à la vie : "tu t'en trouveras une, t'en fais pas pour ça" tout le monde semble en être sûr, ça doit être vrai... Il parait que je fais des beaux discours, que j'écris bien, que c'était un beau moment ça, on me remercie pour ça ; alors même si c'est pas parfait, c'est déjà proche de tout ça. // "non, parce que, j'aimerais bien te sauter pour voir ce que ça fait de draguer, coucher et s'en foutre le lendemain. Tu veux pas m'aider ? En vrai j'suis un mec bien et t'es vachement belle, dans ta robe rouge, avec tes yeux verts et ton sourire. Puis j'aime coucher avec des filles dont le prénom commence par M. et Mélodie, c'est un joli prénom. Allez quoi, je suis le témoin, j'ai droit à ça, non ? Je sais que tous les mecs de la soirée te draguent, mais t'en fais pas, je suis un gars bien quand je suis pas un carnassier, même si j'en ai l'air. Non ? tant pis." (c'est ce que je n'ai pas dit ; je ressemblais à un blues brother dans mon costume avec mes wayfarer, ou à Elvis. C'était la coupe de cheveux, les paillettes et l'émotion. C'était minuit et quelque pendant une journée entière.)

Enfance venteuse (15)

18 juillet 2013 // 18:21

18h.

 
L’air sent l’humide, la lavande humide surtout, alors que dans la maison la pénombre un peu trop hâtive s’installe : on a laissé les volets clôt comme tout à l’heure alors qu’il y avait un grand soleil. La maison est traversée de bourrasque, mais rien à voir avec la mort : une vie, une autre qui se construit là, là tendrement dans l’espacement des volets qui en pleine journée donnait des raies de lumière brulante sur le sol. Les éclairs de plus en plus rapproché, le bruit de ce ciel qui s’ouvre en deux comme mon crâne les lendemains de cuite : ça prête à sourire, à rire, différemment. « Tu as attrapé un coup de soleil Alexis. » oui, je le sens-là sur ma nuque qui est plus irritante que d’habitude : ma nuque rouge, ma coupe de cheveux qui ne la protège plus, j’ai fait la coupe, une coupe à la Elvis, du moins, une inspiration. Je sais que je suis rouge, et il fait chaud malgré les bourrasques fraiches : mon père qui joue de la guitare et la pluie qui se met à tomber, définitivement sans que l’on pense à l’arrêter : il fait nuit tout à coup. C’est l’été, c’est l’orage. C’est la maison parentale : moi dans le canapé immense bien plus grand que mon appartement il semblerait et des mots que j’ai en trop pardessus. Je voudrais fumer, mais n’ose pas, je ne veux pas déclencher de guerre ou je sais pas. Je repense à toutes ces filles à qui j’ai fait l’amour, je ne sais pas bien pourquoi : la pluie, et tout ça, ça me fait rêver : l’odeur du goudron brulant et mouillé aussi. Tout à coup c’est la tempête, tout à coup je pense aux corps des filles que l’on enlace et que l’on finit par oublier mais les postures dont on se remémore lorsque l’on voit des photos de ces filles dans les bras d’autres garçons tentant de les embrasser. On finit par allumer une lampe, fermer les portes en bois mais laissant les fenêtres ouvertes : on veut goûter à tout ça alors qu’on attend, que le temps passe sans respirer et sans réfléchir.
 
// Maman, ne t’en fais pas, tu sais, tu es belle. Bien sûr qu’il y a quelques rides autour de tes yeux, mais personne ne pense à t’en vouloir : tu es belle. Et désolé, si ma vie t’inquiète, si mes frasques, mes yeux trop petits aux tables familiales te font penser que je bois comme une citerne ; c’est peut-être vrai mais je ne veux pas que tu le saches que je suis un des tonneaux des Danaïdes. Je veux pas que tu te fasses du soucis en me voyant intrépide, fidèle et grandiloquent : je ne veux peut-être pas que tu me vois en présence de mes amis. Mes frasques, je les garde pour moi quand le soir, quand je suis en fin seul alors que pour rentrer j’ai fait un détour par le port, je fume une dernière cigarette assis par terre sur ma terrasse, le dos collé à la façade. Je fredonne des chansons lointaines alors : t’es encore belle maman, alors arrête d’essayer vingt fois tes habits pour le mariage de T. en te demandant si ça va t’aller, si ça fera bien. On a pas idée d’avoir la frousse comme ça à ton âge. Je relis le discours que je lui ai écrit, oui, ça me parait bien. La pluie continue à tomber et je vois le volet d’entrée jouer avec le crochet, la voix de mon père qui s’élève de l’étage du dessus. Tonnerre encore et la lumière qui déconne : t’en fais pas maman va. Hier nuit, en voiture avec mon père, en rentrant du concert de Neil Young, sur la plaine de La Crau, on écoutait très fort la musique, je me souviens plus quelle musique, mais un morceau qui parlait des mères, que je trouvais bien. J’ai pensé à beaucoup de choses, aux malédictions que l’on s’invente. La foudre fait sonner une alarme au loin, faut pas le prendre pour nous, faut pas se laisser abattre par les bruits perçants et insurmontables. Je souffle sur ma vie, je redécouvre la vie familiale pour une semaine un peu étrange. Ca me pousse à être. //
 
« Tu as attrapé un coup de soleil Alexis », et cette musique désuète « … un coup d’amour un coup de je t’aime ». Je me relève autant que je peux dans ce grenier bas de plafond. « oui je sais, tant pis ». Je regarde ce lit de camp déplié parce que mon frère vient dormir vendredi soir, sa dernière nuit de célibataire et je serai là aussi. Je souris. Je regarde ce lit et je repense, au premier baisé avec Maya que j’ai échangé juste là, chez moi : je crois que c’était là quand un peu bourré au Martini elle m’avait un peu exhorté de faire quelque chose alors que j’étais mal à l’aise comme un gosse parce que il y avait mes parents en dessous. Je repense à la maison vide, à ma dernière fois avec D., dans cette même pièce. Est-ce que c’est respectueux ? J’aimerais croire que oui. La pluie s’est calmée, j’ai un coup de soleil sur la nuque et quand je considère le recul et l’avance que je prends sans cesse sur moi-même, je souris. Le morceau, hier, dans la nuit, c’était Riverside d’Agnès Obel, je m’en souviens maintenant.
 
 

Paris, queen of blondes.

10 juillet 2013 // 23:38

 Faire la course dans les perspectives : les allers et les retours incessants, le rythme de la ville, la liberté d'aller danser ou rester à la maison écouter des musiques qui nous parlent d'ailleurs. Emerge la couleur ainsi que la teinte : celle de nos choix, de notre renoncement. Nous avons appris à aimer dans un coin sombre, à vivre en rythme dans notre obsolescence parfaite de l'un par rapport à l'autre. Dans ce décor il n'y a que des têtes blondes et surprenantes de l'évasion et des questions sur nous-mêmes. A peine partis on arrive déjà à moins que ce ne soit l'inverse : le cerveau amollit.
Je pense à l'Italie souvent sans y trouver aucune raison, juste la force d'y penser et alors je pense à chez mes parents, dans un flot quasi constant d'idées dont je ne parle pas souvent. Un sourire, à l'aise dans un café avec la force d'y prendre ses aises, ne rien dire défoncer le papier de mots. Paris fourmille et frétille, ai vu beaucoup de choses et d'autres en polyglotte. Ragazzo et ragazza. Quand il s'agit de parler, j'ai comme la bouche sèche, une fille tire goulument sur une paille, l'odeur du métro, le goût des croissants. Des gens pressés... Même dans leur détente. Il est temps d'écrire disent-ils, c'est ce que j'entends de leurs gestes. Mine étourdie — dans les choses vues : une page séparée d'un carnet raisonné à la jolie écriture. Chose qui tangue et résonne encore, là, en terrasse. Un éclat de rire se casse la gueule en miroir, en face, et le bruit des gosse me ramène au lieu d'où je viens : Luxembourg, joli jardin. Y a des jolis filles à Paris. Y a des filles jolies partout mais surtout à Paris. Je crois. Je veux bien en douter : ici les pelouses sont vertes et interdites : j'ai la nostalgie du parc Borély et de ses footballeurs du dimanche même le lundi. Le dépaysement bordélique est un grain de beauté audacieux, discret mais incongru, donnant une harmonie complexe à un visas. Bruit de déclencheur, on portraitise les gens avec l'espoir qu'ils se voient beaux comme on les trouve et les cueille. Je regarde le dos, le creux de la vie, discussion interminable sur mon intégrité détériorée.
Ragazza et ragazzo, jolis mots épinglés dans une précipitation de transports et d'aftershave. Espresso, expresso, express. L'accent pointu, le bruit de la porcelaine sur le comptoir, une cuillère tombe sur le sol. Toute cette poésie sonore dont on a si souvent l'habitude mais qui nous saisit toujours, nous casse, nous caresse, nous recompose. Les quartiers populaires s'en sont enfuies d'ici, les librairies sont victimes de séismes et les phrases s'emmêlent dans un entassement pêle-mêle. 
La rotondité du goût du café, oui, l'Italie qui insiste, coin de rue qui débouche sur bord de scène : bouquinistes et erreurs fortuites. Avoir des rides parce que l'on rie trop souvent, est-ce une malédiction ? Les goses qui jouent ne pensant pas à leur avenir me soulagent. Teintes oui : du bleu oriental à l'éclat de nos voix, tout commence par nous et finira par nous : vie existentialiste. Mais que les paroles nous économisent ! Ca réverbère partout où ça passe, poches creuses, alibi/alinéa, carton fracturé, grande-roue : instantané.  
 Les gros mots et les airs méchants ne changeront rien de ce que l'on peut être au plus profond de nous. Alors les sons électroniques sur lesquels on peut rapper des choses débiles et sales ne sont que des armures : une armée des ombres plus tard je me vaccine au coeur qui suinte le sang, aux mots dits trop vites. Brouillons après brouillons j'ai l'impression d'être froissé : j'ai pourtant à coeur d'être toujours présentable. Je tire sur la clope, again and again. Faudrait que j'arrête avec la rage, ma négativité n'est plus spontanée elle est une habitude un peu collante lorsqu'on y réfléchit bien. Mais je souris en perspective, histoire d'être une antithèse un peu vaine et mongolienne. Aucune nouvelle de l'ouest, ni de l'est. Demain je me barre à Paris, un peu, histoire de voir si l'air est plus pur là bas. Même si j'y crois pas : moi, mes poumons n'aiment que la pollution. La grosse caisse est le pilon que j'attendais pour ouvrir les pores d'un esprit qui se sclérose sur place. Ouais, ça veut rien dire et je m'en branle : il est l'heure d'oublier les chandelles et faire comme si ça me dérangeait pas de me réveiller seul chaque matin.

Birdy, last ride.

8 juillet 2013 // 17:24

En triant des textes, j'ai relu ça, sensation emprise, tout m'est revenu différemment en souvenir de ce qui m'a fait écrire tout ça. A croire que j'ai arraché du passé de mes pensées.


Nous sommes ailleurs, déclassés, alors que les pieds droits s’achèvent définitivement, comme assoiffés, à cause de la marche. Peut-on dire « nulle part » et penser à ailleurs ? Les mots résonnent et tournent en boucle dans la sono, la psychologie même de la cuite adolescente repose sur ce paradoxe ; « No Future » inscrit en gras sur le bide, « live fast die young » taillé dans la peau blême / imberbe : et liquide dans les intestins. Grêle dehors, vomissures à l’intérieur, j’ai comme des traces de bouches pâteuses. Puisque l’hiver ne tiens jamais ses promesses ici, j’écris et jette une fureur que je ne connais pas vraiment sur ce papier qui n’a rien demandé. Ma tête bouge à nouveau en écoutant tous ces morceaux oubliés de rap : ce soir Dr Dre et Booba pour me remonter le moral comme un whisky coca dérisoire. C’est le stylo qui fait des fautes ; pas moi. Je ne parle pas seulement de l’orthographe, je parle de morale. Puisqu’il faut vivre, rimer sur l’ennui des nuits (forme narcissique : nous nous et encore nous) ; j’érige des histoires flambantes sur le cool. Ca casse la monotonie, et le reflet paraît moins triste en fin de compte.
 
// Puisqu’il faut vivre… Puisque c’est le stylo qui m’incite à vivre et surtout à brûler… //
 
(Avec ironie) – L’élan vital, c’est calciner les jours et ne se reposer que dans des chambres d’hôtel que l’on dévalise : « je suis sordide très cher ». On se retrouve ici au milieu de rien, ici au milieu de notre amour qui n’a plus de consistance. On a beau se regarder, et alors se dire que l’on s’aime, les mots sonnent enfin creux. Comme une révélation, comme un calme nouveau ; la fin de la souffrance. L’idée que l’on a enfin une raison de mettre un terme aux nuits sans sommeil. Les restes d’un dîner fastueux, un livre de Bataille corné, les yeux pochés. C’est ce qui reste de notre amour une semaine plus tard. Sommes-nous débauchés prononcent le bleu de ses yeux avec un rire amer coincé au fond de la gorge. La musique à la radio n’est pas réjouissante. Je crache par terre les kilomètres parcourus et saignent mes oreilles, obèses de toutes les conneries qu’elles ont ingurgitées.
 
Le visage buriné avant même d’avoir respiré, après même avoir dormi les yeux ouverts. A la recherche des cauchemars, sur une piste glissante, connue, glissante tout de même. Mais tout va bien. Les pieds dans l’interminable zone de transit / bison (bisou) sur la bouteille ; pas futé pour deux sous. La pente glissante. Je passe la douane avec aux oreilles cette musique incessante d’un Midnight Express sans libération en fin de compte.
Même pas peau rouge, à chercher le gibier comme un affamé, le bandeau sioux autour de ta mèche ma jolie princesse. « Just wild » dessiné sur le dos du perfecto, voulant l’être – (idée sans fond, comme tous ces verres).
Il paraît ainsi que le monde est plus clair vu du cul d’une bouteille, mais moi je ne bois que des verres. Perdu au milieu de ces danses sans farandoles, ces danses grimées à même la peau brûlée, je ris à gorge déployée. J’ouvre mon cœur, cœur qui saigne. Il n’y a pas de plumes, même si c’est le stylo qui me ressert, sans doute.
Rincé au noir par la pluie… Des contacts humains on en est revenu depuis internet ; mais la biture et la défonce toujours pas. Comme quoi, seul l’impoli persiste.
Je ris, oui, je ris. Le temps clair au-dessus de la brume des cœurs, au-dessus des chansons tristes et au-dessus de ton beau cul inaccessible ; c’est la largeur / longueur / hauteur que me procure le whisky. Et l’envie de chanter vient ensuite, et l’envie de rire à nouveau – (ridicule, ravalé, digéré)
 
 
// La mise à mort vient alors : l’ultime verre. Et dans le miroir on a beau se reconnaître, tous les contours sont flous et pour la vie on s’aime / pour le moment on baise ; enfermés au-dehors de notre corps au-dehors de nous / tellement grand(iose) //
 
Et Toréador prend garde parce qu’ivre, la lame rentre bien plus facilement dans la peau comme devenue huileuse. Et c’est dans les lendemains sanglants, qui ne sont qu’une suite logique tant les nuits sont courtes et s’achèvent par l’aube inévitable, que je me dis qu’il n’y aura plus de révolution. Un peu triste, je range mon air dépité, qu’est-ce que l’on peut y faire, de toute façon. On secoue les paquets de clopes vides dans l’espoir d’une bonne nouvelle mais seul l’appel de l’aspirine se fait entendre. Sur le frigo sale, seuls des post-it sans intérêts ont remplacé les magnets de l’enfance : « ne plus abreuver » comme une incitation à la violence ou à l’asphyxie. De mon front trempé de sueur, je n’en déduis seulement que je ne suis pas beau. J’attrape un blouson, m’enlève de cette scène de crime rempli de la réjouissance des fous, des ogres surtout. Nous ne sommes que des ogres.
 
// Pluie et quelque, la physionomie en accord avec le rire : regard fou. J’arpente le décalage horaire, le ventre gronde, rien de grave. Je jette des mots dans le vide / asséché par le froid dedans, la moiteur dehors. Asséché par les émotions, la moisson, je fais respirer mon gosier autant que faire se peut. De la buée sort de ma bouche, j’ignore l’heure qu’il est. //
 
Pluie et quelque. Chacun ses façons de dire l’heure. Dépité ou non, au son de l’harmonica, des valses célestes et de l’accordéon rance du centre de l’Europe, je me trouve une raison de vivre au milieu de ces tours pourtant jeunes, de ces murs de briques taggués dans l’espoir de se faire plus vieux // pluvieux ? la vitre baissée, je respire l’humide // et c’est comme laisser de la barbe sur le visage doux de l’adolescence, c’est déplacé. J’ai laissé une porte ouverte dans le vide rugissant d’un ailleurs. Les musiques douces ont l’énergie des dîners presque angoissants que l’on ingurgite durant des aller-retour interminables en voiture. Pour aller voir « des amis »… Des vestiges de ce que nous sommes, des trainées de poudre au cœur.
J’aime le voyage, mais je n’aime pas voyager. J’aime l’aurore pourtant, tes airs froids et ton regard de marbre. Je n’aime pas le sentiment d’ailleurs quand même le McDo semble plus gras ici que chez moi.
Tes mains brûlantes ont été remplacées par de douces brûlures moites lorsque minuit sonne, et on élira peut-être des musiques comme les amant(e)s de nos vies en fin de course : ce sera une histoire sans fin ; une aventure miraculeuse.
 
// Si je déchire les pages, c’est parce que j’ai si mal au ventre. C’est parce que ce monde m’aseptise et que seul le bruit de déchirure semble brut / me remet les idées en place / me satisfait entièrement. Reposé alors, rincé par l’acide de ta salive et le feu sur nos joues honteuses, j’imagine nos vies comme un interminable jeu ; mais ni chats ni souris : juste nos rires autour de la marge, marche agile, qu’importe la peur des fêlures : si tu es fragile, je serai fragile – et on aura mal ensemble. Joyeuse danse / transe intense //
 
Belle dans ta robe alors que le bal a pris fin dans un feu / un cataclysme / je te verrais chez moi, chimère douce de mes rêves frêles, passés, sépias. Te déshabillant sans mon aide, pour une fois, pour toujours maintenant, je respirerai ta fin de journée à même ton corps, à même la chambre qui ne représente plus rien et ce sera une obsession sans ailes, ce sera comme rentrer chez moi tout le temps, par des détours inconnus, par la vie qui s’échappe : une autoroute interminable / minable.
 
// Le bois finit rongé par la vie ; les membres gourds. Les ampoules ou non aux pieds, il faut quand même traverser la ville, trouver un moyen de presser les émotions, trouver un moyen de se presser, pousser la vie en avant//
 
Il est couché de soleil dehors et si on ne les retient pas, les feuilles s’envoleront : l’été s’étire, Septembre. L’été, meurtrier. Et pourquoi écrire si ce n’est asséché le stylo, mettre un terme à son dictat terrible qui pèse si lourd sur nos épaules, mes épaules. Se permettre de respirer, tarir, enfin, notre goût.
Si on attend désespérément la pluie, c’est pourtant le soleil qui nous fait rire. La balançoire grince de même lorsqu’elle est désertée. Triste, elle est pourtant plus poétique sans enfants. Quand la nuit sera définitivement tombée, j’enlèverai mes chaussures et marcherai pieds nus dans l’herbe fraiche, humide et grouillante. En regardant de jolies filles faire de même, je me sentirai enfin compris ; peut-être.
Alors, je reprendrai une route qui n’existe pas / la mienne / vers les villes fantômes de mon cœur. Je quitterai ce lieu sordide et pourtant si beau. Montréal et son accent impossible, baigné de mots, cosmopolite : le centre du monde, c’est un bel endroit pour perdre beaucoup. C’est un bel endroit pour renaître.
 
// Je n’aime pas voyager, j’aime les transports handicapants et la torpeur due au décalage horaire, la douleur froide et obsessionnelle des crampes aux jambes. //
 
Ma peau sans écorce ne sait où dormir et mes yeux ont perdu l’habitude de distinguer les frontières / contempler les astres. Il n’y avait pas écrit « roulez jeunesse » sur la carcasse de mon histoire, pourtant, c’est tout ce que cette caisse bringuebalante m’inspirait // les langues de feu ne communiquent qu’en cramant, alors, je brûlerai mon ange, je brûlerai. // L’automne finira par ronger toutes les miettes qui restent là à trainer sans savoir où aller, et mes peines de cœur n’auront rien à envier avec toutes les séries B que ces gens ingurgitent / rien à envier aux banquets de minuit deux, chez eux.
Dans le ciel traine la poudre, je me mets dans le sens de la marche. Sourire. C’est la meilleure place pour les étincelles. Et comme au cinéma, l’écran fond vers le noir ; lorsque ce sera l’heure des comptes, il ne restera que des pages, blanches de tout ce que les larmes ont gommé et la morgue a ravalé. Alors je cracherai par terre, en me disant que demain sera vite là.
Pour le moment je me laisse mouiller par la pluie objective sur ce tarmac sans fin : la cacophonie n’est plus un problème depuis que je t’ai vue froide, hurlante comme du métal à mes côtés. Coule l’encre sans précipitation. Il ne fait pas froid. Je me promets d’arrêter de fumer en tirant sur une clope, la pluie rincera mes poumons noirs. Ou rongera mes tourments.
 
Puisqu’il faut vivre…

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