Culture war.

12 novembre 2013 // 22:29

 Le silence glacé avait quelque chose de redondant qui semblait renaître. La sueur sur nos fronts attesté de quelque chose, peut-être du fait que nos yeux brillent. Et peut-être que les regards perdus, là, étaient des notes de piano un peu brisées, des notes bleues qui adoucissait les barbes de trois jours à trois semaines. On aurait pu rêver de se déhancher, en criant plutôt qu'en chantant. Dis, c'est quand qu'on y arrive ? A ce monde où tout est une couleur unie et pastel : où t'arrête ton cirque, où t'arrêtes ton char. Où j'arrête de me regarder dans la glace pour me demander si je suis en vie, si je suis droit, si je suis intègre, si je suis un homme, tout simplement, de te dire d'aller te faire foutre. Je crois que quelque chose rate, que je suis sans doute un escroc de te dire ça, que j'ai pas envie de savoir ce qui t'arrive, parce que ça me blessera d'une façon ou d'une autre. 23h30, le début des hostilités. Je me souviens d'une fois où l'on était en voiture et tu roulais comme un connard pour passer ton énervement : j'avais peur, c'était l'été. J'avais peur que l'on se prenne une voiture : je regardais les étoiles défiler à travers le toit ouvrant de ta voiture dont tu t'es séparé comme de la connasse que tu étais allé voir, pensant que tu la récupèrerais une énième fois avec tes remarques d'embobineur alors qu'on sait très bien toi et moi que le seul truc qui te faisait revenir c'était surtout son cul et ses hanches ; même si tu peux me dire ensuite que tu l'as aimé. Je n'approuvais pas toute l'épopée qui nous avait menée à ton énervement : mais j'ai laissé pissé pensant que c'était nécessaire. J'avais pas vu que ça mènerait au fait que tu m'envoies un texto, un jour, beaucoup trop tard pour m'emmerder à savoir où en était notre amitié sans que tu te rendes compte que ton agressivité, ta jalousie et ton égocentrisme bousillé toujours tout au final. Et que moi j'ai pas envie de pardonner, je voudrais laissé pisser encore, pensant, et me trompant, que c'est la bonne solution, puis renoncer au désastre que ça provoque : j'aimerais savoir pourquoi les gens s'énervent, roulent comme des connards sur l'autoroute en Juillet, fin Juillet, alors qu'il fait bien trop chaud dehors pour être honnête, et que l'on pourrait juste penser à être heureux à la place plutôt qu'essayer en vain de sauter à nouveau une fille que l'on a souillé de notre mépris.
Je me demande si parfois tu culpabilises, tu devrais autant que moi pour qu'on soit quitte ; mais je sais que c'est pas le cas et c'est bien le problème. Alors peut-être que je peux frapper dans des cailloux, te répondre que tu peux aller te faire voir avec toute la douceur que je garde pour toi : parce que j'en ai marre des épouvantails. On s'est peut-être perdu dans ce tumulte venu de loin qui a fait que moi j'ai pas aimé tes attitudes surprotectrices à deux balles et que toi, t'as jamais compris l'implicite. Mais quand je vois mon sourire sur les photos, mon rire dans la glace, et l'absence d'alcool dans mes veines, je sais que j'ai raison, malgré l'impression d'égoïsme. Moi je veux du vent pour me porter, fini le vitriol et tes bitures scandaleuses. Fini les trous dans mes heures et les sourires carnassiers : je veux l'équilibre / tu fais salement pencher les balances depuis que t'as le bide gonflé par l'alcool à répétition.
 Je veux d'une rue avec du linge aux fenêtres et tant pis si la vie est exiguë. Je veux des musiques tribales pour remplir le béton, pour que la foule soit beaucoup plus tortureuse que ça lorsqu'elle crie des paroles apprises par coeur, oubliant le sens. Je veux d'une rue en pente, des choeurs terribles pour dire l'amour. Je veux des orages, des tempêtes et ton regard qui apaise. Je veux des nappes stellaires, des musiques douces pour bercer des enfants à naître. Je veux la mer au pied de cette rue qui n'est pas faîte de sable. Tant pis pour les horizons, tu comprends ? Je veux du bruit, des gens sauvages, des langages barbares : parce que c'est ce que nous sommes, aussi, souvent. Je veux des mots qui emboîtent la vie, nous fait vibrer, nous prend le coeur et les tripes pour nous serrer les épaules dans le balancement, dans les chopes de bières que l'on entrechoque. Je me ferai marin, je te ferai reine, je nous ferai témoins privilégiés de cette rue que j'imagine pour toi, comme un autel à notre amour, comme une roue immense et tant pis pour le vertige. Je veux d'une rue bringuebalante. Moi t'attendre à ses pieds, te voir en haut de celle-ci et courir pour te rejoindre, pour te serrer contre moi, et regarder les plantes vertes que l'on entasse sur le trottoir pour fleurir le monde : volets décimés, mots d'amours, et main dans la main - le globe sera un horizon étriqué, je veux une rue, je veux un monde, je te veux // toi.
 Cela fait longtemps que j'ai pas pensé aux cheminées qui dans le petit matin moutonne des nuages alors que le givre est partout et que la voiture est silencieuse, me porte vers sans doute autre part, sans doute trop loin. Je repense à ça, parce que là j'étais dans la rue et j'avais ce pull encore trop chaud pour la saison et même si il était tôt, 13h47 je crois, la lumière, c'était comme si c'était un coucher de soleil, une nuit, un truc héroïque qui n'arrive jamais. C'était l'heure d'hiver, et je me demande ce que ça veut dire, ça, ce soleil qui n'arrive plus à nous propulser ; mais nous pousse maintenant, tout de même, juste sans élan.
J'ai plus pensé aux rues mornes et froides : peut-être parce que le ciel est toujours de ce bleu éclatant dont sont faites les voiles des bateaux qui nous abandonnent et vont trop loin. Parce que j'ai pas le coeur à ça, je l'ai plus. Et ce ton de badinerie, ce serait, par ailleurs, bien simple de le racler, de le raturer, pour passer à autre chose : regarder les vagues de ton corps au matin, te dire que t'es belle, puis te dire que t'es bonne. T'es devenue plus qu'une impulsion, plus qu'un femme, t'es devenue une gravure, une essence, une couleur, un murmure, une raison de vivre... Moi je pense à ça, juste à ça, dans cette rue en pente : je sais que je peux me réfugier dans cette vague idée, cette chouette idée, cette constatation heureuse. S'active alors les jours et les nuits, les trucs héroïques, je pense qu'on est ailleurs de tout ça. On est dans un monde de rêve où l'on s'écarte pour se retrouver au petit matin : "le voyage a été long sans toi, je ne veux plus vraiment le vivre". Réactiver le manque à ça de jouissif et de masochiste : il apporte la plénitude à posteriori.
 Je repense à des mots, je vois l'horizon et tu en es le paysage. Puisque tout va vite et ne jamais ne s'essouffle à part peut-être lors d'un deux heures du matin réactivé où toi sur moi, toi toi mon toit, je crois que je cane puis je survis, revis : enfin, la petite mort et tout ce qu'on en dit t'sais ?
Trainer en sous-vêtement, les douches, les musiques que l'on découvre, celles que l'on redécouvre, les débats, les machins, les bidules, les mains abimées par le liquide vaisselle qui coûte rien, les cigarettes que je roule si mal et que tu fumes quand même, les discussions longues et éprouvantes, mon manque d'envie d'admettre les défaites... Les listes dans ma tête se construisent d'elles-mêmes, et c'est là, dans ce moment de flou dû au surplus que j'ai le coeur qui répond plus : genre sur messagerie et le message est doux. Moi je me perds tranquille, parce que je sais que la perte, c'est pas le drame, c'est juste l'aventure. Je suis prêt à l'aventure si t'es là. A écouter des chansons françaises en trame à la vie, à attendre le lendemain, puis la suite, pour se rendre compte que tout progresse. Aucun concorde, pas ton envergure, moi j'voyage dans tes volutes,tes petits seins et tes fesses que j'aime agripper comme une bouée. Ton rire, ta voix de gosse, ça c'est l'ancrage nécessaire pour éviter l'inclinaison de mon corps. Allez viens, t'es mon horizon et je te veux, comme dans le ventre on peut vouloir et plus encore : technique, mécanique, cassure et reconstruction parce qu'il n'y a rien de plus beau que de se briser de bonheur pour se resserrer sur ses fondamentaux, ses bateaux à voile et le vent qui adoucit les pierres. Erodons-nous mon amour, et écoutons encore la guitare nous parler de vie, de violons, de lune et de cette réalité bandante qu'on a pu tant et tant chercher. Pour que l'hiver soit une marelle. 

Enfance venteuse (20)

16 octobre 2013 // 23:10

 Les jours de misères, peut-être ne reviendront-ils jamais ? C'est ce que j'espère tu sais quand je vois que malgré le ciel gris moi je souris, que c'était pas gagné à la base, que j'avais plus le comportement d'un garçon déviant qui sait à peine mettre un pied devant l'autre en regardant l'horizon que de façon parcellaire : je marchais en regardant mes pieds fuir d'eux-mêmes. Tu sais, il m'en a fallu de la force... Mais je suis sûr que tu le sais.
Parfois quand le soleil se couche, je repense aux flaques de pluie, à ce soir où j'ai dit à Romain en pleurant que j'y arriverai pas, que c'était trop dur, pas pour moi, non non, je veux renoncer. Il n'a rien dit parce qu'il ne sait rien dire dans ces moments-là, il faut pas lui en vouloir, en me soutenant, il a brûlé ses cartes, ses cartouches, la cartographie même de ce qui pouvait être notre amitié qui se retrouve emboutie, là, sur le sol, comme un tapis devenu rêche à force de l'avoir piétiné au nom de je ne sais quoi. Il y a un an je ne savais pas si j'aimais encore une fille, et dans la boucle de mes intermèdes là, aujourd'hui, je sais que j'aime et c'est rassurant, c'est doux. Et tu ne me manques plus comme avant, ça fait plus ce mal vertigineux dans mon ventre quand je pense à toi, ça fait juste des vagues, des vagues douces comme l'humeur des grands soirs et l'odeur de l'herbe humide. J'ai arrêté tout ça, l'alcool, les fêtes lourdes, la drogue. J'ai arrêté, je laisse le temps me conserver, déguste des babas au rhum en ta mémoire.
Il y a un an j'étais énervé plus que venteux : j'étais mistral plutôt que brise. Il y a un an j'écrivais les premiers mots, juste ici, le chemin parcouru me semble illusoire, un fragment de temps, une main qui se resserre sur elle-même, ça a été du bonheur de souffrir et de se sentir remonter la pente ; lentement, tendrement.
Et quand je regarde les flaques d'humide sur le sol je n'y vois que les reflets de ma joie partout, alors, le reste je m'en fiche. Je souffle une bougie, en attendant la suite. Pour que l'hiver soit sans encombre, à nouveau. 

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