Random Access Memories

16 mai 2013 // 20:25

 Je pense à toutes ces routes que l'on peut prendre la nuit, la fenêtre ouverte : ces envies de crier de joie. Mes larmes n'ont rien de cet ordre là, mais j'essaye de les faire rare, coups de poings rageurs sur mon épiderme, coups de poings rageurs lancés en l'air, lancés à la fatalité, à toutes ces choses dont je ne préfère pas penser. Je me demande quelle personne voudra bien danser avec moi quand j'aurais cette envie folle de bouger et que la piste sera déserte. Sur quelles tâches de rousseur il faudra que je me réfugie avec l'impression de jouer à la marelle avec des regards de plus en plus envoûtants. Les nouvelles d'ailleurs n'ont rien de réjouissant, les nouvelles sont mauvaises, c'est la fatigue qu'on accumule qui fait cela sans doute. L'envie de vivre, de prendre l'air, de prendre le large. Zappant à la télé à la recherche d'une émission qui pourrait nous intéresser, on remet sans cesse la même chose, chaque jour différent pourtant, du moins ça essaye. Et le plat refroidi sur la table de la cuisine, attendant qu'on le mange. Je cherche un équilibre alors que dehors il pleut encore, comme un ennui toujours répété. Le perpétuel, c'est à la mode, on a peur des sourires qui s'effacent, je préfère m'éloigner de tout ce que je pourrais fumer l'air de rien, histoire de dire qu'il faut que la musique reste dans la tête. Et je peux pas suppléer à ça, l'impression d'avoir peur alors que je ne suis plus tout jeune, même si j'ai l'avenir devant moi. Mes joues plus douces, feu du rasoir. La nuit je pense à ton corps, souvenir qui m'abandonne mais qui est encore douloureux, il n'est pas l'heure de dire que t'étais bonne, que je te veux dans mon pieux. J'ai pas encore ces envies-là, pas tout de suite. D'ici deux, trois, jours peut-être j'attaquerai la phase de désespoir, j'aimais tant quand tu me mordais le cou. Mais qu'est ce que je connais des grandes villes ensuite ? Juste des assonances, des coups de pression et des bastons avec le silence. Je m'égare, autant remettre au début.

// "Nous voyagerons pour les halos / Notre véritable origine" : deux vers de Schehadé dans le verre, fond de nuit, fond de soir, en attendant la lueur, puisque rien n'est permis, établis, greffé dans mes pas. "Je fume pour oublier que tu bois", joué en boucle encore. Et les paroles ternes. Je déchire les feuilles, souris enfin quand j'ai quelque chose à dire. Je pense à tous ces mots de passes secrets de conversations qui se perdent dans les réverbères le soir. Tous ces cris jetés à la corbeille, ces lettres jamais envoyées. J'ouvre sans cesse ma boîte aux lettres avec l'espoir d'un peu de vie, mais la poste est fâchée contre moi. Je relis sans cesse les mêmes poèmes, je pense au Liban lointain, je veux me tailler, ça faisait longtemps, l'instinct de voyage qui me reprend. Je repense au soleil qui se couche sur Budapest, à la lueur orange qui modifie le coeur blanc des drapeaux sur la "Place des Héros". Chacun ses révolutions, moi j'ai perdu les miennes d'avance, même si rien ne peut contrer une rébellion massive : je ne suis plus assez gros, je mincis à vu d'oeil, faut dire. Je repense aux rues de Prague, de Berlin. Je repense à cette Europe un peu plus sur notre droite. J'expire la fumée des cigarettes, j'en ai le ventre noué. Oui, je voudrais bien te faire l'amour, agripper tes fesses à nouveau et y voir comme un oracle, un poumon de plus, solidaire des miens. Et ton corps fin qui se renverse, ma main sur tes seins. Le halo, les origine, je repense à Prague, Berlin, à Budapest oui, surtout. //

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